La Trilogie Steampunk – Paul Di Filippo

Dans Victoria, la future Reine a disparu, remplacée par un triton femelle d’une vague ressemblance créée par Cosmo Cowperthwait le temps qu’il la retrouve avec l’aide de son assistant Nails McGroaty. Cette histoire d’un steampunk exemplaire baigne dans une ambiance d’enquête policière anglaise du 19e siècle pleine de drôlerie à la fois visuelle et présente dans les dialogues, parcourue par un génie mécanique et la vapeur, et surtout habitée par une critique socio-politique acerbe et joyeusement impertinente, avec un clin d’œil grivois à Frankenstein, des touches d’écologie et de féminisme.
Dans Des Hottentotes, le docteur Louis Agassiz, scientifique suisse installé aux États-Unis, se lance à la recherche d’une relique magique improbable, accompagné par Jacob Cezar et Dottie Baartmann, un afrikaner et une noire africaine inséparables. Le fétiche destiné à un rite de magie noire est convoité par T’guzeri, un sorcier hottentote, Hans Bopp un fanatique aryen et Tadeusz Kościuszko un communiste polonais. Le anti-héros Agassiz, égocentrique et créationniste, est pourvu d’un racisme exacerbé dont les outrances sont raccord avec l’époque décrite, la hantise du métissage étant très répandue, première référence à Lovecraft. L’action et les péripéties frôlent le surréalisme avec une créativité déchainée et l’impression de traverser la quintessence du 19e siècle. La façon de parler de Cezar est fatigante à la longue mais correspond bien à la frénésie allumée des aventures rocambolesques. L’humour dédramatise le contexte socio-politique et adoucit l’atmosphère lovecraftienne qui monte en puissance, notamment grâce aux considérations sexuelles absentes de l’œuvre de Lovecraft.
Dans Walt et Emily, Emily Dickinson est entrainée par son frère et la présence de Walt Whitman dans une entreprise spirite ayant pour but de pénétrer le monde des morts. Dans ce fantasme biographique, au-delà de la poésie, Paul Di Filippo montre l’excentricité et l’hypocrisie d’un pan ridicule de la société, explique de façon fantasmagorique ce que l’Histoire retiendra des deux poètes.
Dans leur continuité les trois textes représentent le steampunk dans sa richesse, un 19e siècle avec ses fantaisies technologiques, sa civilisation dominante, dépravée et intolérante, ses personnages historiques exagérés aux quêtes farfelues, misant donc sur l’humour et surtout la critique socio-politique sans trop de limites concernant le racisme et le sexe, comme une psychanalyse de l’époque.

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