Dans Pour une nuit de Pierre Pelot, le monde en toute objectivité n’existe pas. L’utopiste est atteint de maladie, l’idéaliste est un fou. Le monde est en dehors de nous, n’est pas la somme des perceptions et des conceptions personnelles. Ce récit solipsiste est une constatation sur la nature de la réalité, les limitations ontologiques de l’ipséité, la solitude de l’être centripète jamais en phase avec la réalité et cerné par l’illusion de l’inductivisme.
Dans Les Yeux de l’arc-en-ciel de Greg Egan, un garçon membre d’une famille dans laquelle la cécité est génétiquement inscrite connecte ses rétines artificielles à une application mobile pour modifier sa vision en l’améliorant. C’est le journal d’un cyborg dans la confrontation entre sa conscience et l’avancée technologique qui est censée le rapprocher de la perception de la réalité objective inatteignable, une chronique qui raconte l’assimilation par la société de cette évolution de l’individu.
Dans L’Amidéal de Pierre Pelot, Gabin Toldo est un écrivain en panne d’inspiration, en proie au doute depuis que Janice s’est éloignée de lui. Un soir pluvieux, un inconnu se présente à son domicile pour l’aider. A travers cette crise existentielle, c’est l’évolution de la société humaine qui est visée, vers un avènement de la solitude, du doute et de la méfiance, de l’aliénation, de l’étouffement et du rêve par procuration.

Dans Cinquante ans d’écriture de Claude Ecken, la biographie de Pierre Pelot montre un enfant imaginatif des Vosges passionné par le cinéma, qui dévore les livres au milieu d’un monde ouvrier. Il s’intéresse à la peinture, réalise plusieurs bandes dessinées mais il raconte mieux les histoires qu’il ne les dessine. A la base de ses velléités d’écriture se trouve le western, la nature et la liberté, pour ensuite s’épanouir dans la science fiction avec une société fracturée menée par un pouvoir politique et religieux de mensonges et de conservatisme violent. Les héros de ses histoires cherchent une anarchie éclairée, utopie impossible qui se heurte à un système pourvoyeur de paranoïa et de renoncement devant la fatalité jusqu’à la folie et la mort, mais c’est bien l’homme qui se trouve dans ses récits.
Dans Être ou ne pas être un géant, Claude Ecken s’entretient avec Pierre Pelot qui insiste sur les difficultés de la condition d’écrivain et montre qu’il est toujours resté à la frontière de la science fiction.
Dans Les années Suragne de Philippe Boulier, cette étude bibliographique montre que la production sous pseudonyme chez Fleuve Noir de Pierre Pelot installe ses thèmes de prédilection dans des genres littéraires divers, une exploration aux résultats plus ou moins concluants mais dans lesquels apparait un grand talent.
Dans Histoires dangereuses : le roman noir de Pierre Pelot de Laurent Leleu, bien que toutes ses histoires soient pétries de noirceur il a aussi officié sans l’ajout d’un contexte de science fiction ou de fantastique pur, les personnages ignobles en déshérence lui servent de support dans une nature rude et une folie sinistre.
Dans C’est ainsi que les hommes lisent, des critiques parues dans Bifrost sont réunies pour former une somme aux points de vue divers.

Dans Pourrons-nous reconstruire la tour de Babel de Frédéric Landragin, la transparence d’un dispositif de traduction universelle automatique escamote le charme exotique du particularisme des langages et donne l’illusion de l’existence d’une langue unique. Le traducteur est un objet convoqué comme une commodité déduite du genre science fiction, une sorte de compromission, un raccourci qui n’a pas lieu d’être. Donner un sens au message traduit instantanément ne peut pas se faire en se coupant du contexte d’une culture, et sa faisabilité scientifique semble improbable. Transformer un vocable en données brutes coupe le signal dans son authenticité. L’alliance de la statistique avec la linguistique ne permet pas de rendre la richesse de la communication, de la littérature ou de la poésie, montrant la supériorité du cerveau humain sur la technologie envisageable.
Ce numéro renferme trois nouvelles de grande qualité et surtout un dossier bien fourni sur un immense auteur qui marque de façon indélébile.

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